Le Japon impressionniste

Japan'Art

La Japonaise est un tableau peint par Monet en 1876. Il fut exposé lors de la seconde exposition des peintres impressionnistes où il attira l’attention. De grande dimension, ce tableau suscita des réactions passionnées. En effet peindre un modèle à taille humaine était un exercice de style et une preuve de virtuosité artistique manifeste. Pour cette toile, Monet oublie pour un temps les codes impressionnistes et préfère un réalisme marqué, une figure aux contours définis contrairement au style habituel de ses paysages.

Monet avec cette peinture flirte avec l’exotisme et met le Japon au premier plan. Aussi intitulé Japonerie, ce tableau met en scène une femme européenne vêtue d’un kimono japonais. Monet précise en 1919 qui en est le modèle : « La Japonaise… une parisienne costumée en japonaise. C’est ma première femme qui a posé ». C’est donc Camille Doncieux (1847-1879) qui posa pour son mari. Elle est peinte portant une haute perruque blonde afin d’accentuer ses origines européennes. Monet témoigne d’une maîtrise de la couleur par l’emploi de tons chauds et vifs. L’emploi de ces couleurs est inspiré des estampes d’Hiroshige, peintre-voyageur du Tokaïdo.

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Claude Monet / La Japonaise / 1876. Huile sur toile. 231, 8 x 142, 3 cm. Musée des Beaux-arts de Boston.

Le kimono élaboré que porte le modèle aurait été importé d’un kabuki. Un membre du clan Taira se trouve brodé à l’endroit des parties intimes de la femme ce qui a suscité quelques remarques à l’époque. Les critiques et visiteurs y voyaient en effet une allusion sexuelle. Le modèle, peint à la manière des beautés d’Utamaro regarde le spectateur avec connivence et s’aère d’un éventail japonais appelé uchiwa. Cet éventail fait écho à ceux accrochés au mur en arrière-plan. Ce type d’objet était en vogue à Paris à l’époque et pouvaient être achetés pour trois fois rien dans de nombreux magasins de la Capitale.

Certains historiens de l’art affirment que cette peinture était une façon de railler le japonisme exacerbé des milieux bourgeois parisien qui commença vers 1865 (n’oublions pas que Monet commença sa carrière comme caricaturiste). Edmond de Goncourt note ce japonisme ambiant dans son Journal : « ce grand mouvement japonais, qui s’étend aujourd’hui de la peinture à la mode ». Monet ne fut pas le seul impressionniste qui s’attela à représenter le Japon.

Quoiqu’il en soit le thème de ce tableau fut motivé par l’attrait et la fascination de Monet pour le Japon. Bien qu’il ne voyagea jamais dans ce pays, il découvrit très tôt, dès l’âge de seize ans, des estampes japonaises, ramenées du Japon par des marins. Il collectionnera d’ailleurs des estampes de maîtres japonais tels que Katsushika Hokusai. Sa collection atteignit les 250 estampes. Plusieurs de ces tableaux furent inspirés des paysages japonais. Son jardin d’eau à Giverny fut d’ailleurs inspiré des mondes flottants de l’ukiyo-e. Il vivait ainsi en Normandie comme au Pays du Soleil-Levant.

Cette peinture ne fut pas vendue toute de suite lors de l’exposition de 1876 peut-être en raison de ses ambiguïtés. Cela a peut être affecté Monet, qui d’ailleurs était en difficulté financière à l’époque. Ce tableau, s’il figure comme un chef d’œuvre de l’histoire de l’art fut pourtant renié plus tard par Monet lui-même.

– Article rédigé par Tony –